Le nouveau régime du gage des stocks est-il plus attractif ?
Le financement des entreprises par les stocks est peu répandu en France. Pourtant plusieurs mécanismes juridiques permettent à des établissements de crédit de financer la trésorerie d’une entreprise associée aux stocks en prenant une garantie sur ces derniers. Le premier est le gage des stocks institué par l’ordonnance n°2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés. Ce régime spécifique, prévu aux articles L.527-1 et suivants du Code de commerce, a été spécialement conçu pour les banquiers, mais n’a pas rencontré le succès escompté. Et ce en raison de sa rigidité, aussi bien lors de sa constitution que pendant son existence ou en cas de réalisation. Le second est le régime du gage sans dépossession de droit commun, également issu de l’ordonnance du 23 mars 2006 et prévu aux articles 2333 et suivants du Code civil. Mais la jurisprudence a créé un doute sur l’applicabilité du droit commun du gage de meubles corporels à un établissement de crédit dans le cadre de son activité professionnelle,[1] tel que les banques préfèrent recourir au gage des stocks du Code de commerce - moins protecteur des droits du créancier que le gage de meubles corporels du Code civil - plutôt que de prendre le risque de voir leur garantie annulée par les tribunaux. Afin de favoriser l’octroi de crédit aux PME par les stocks, le gouvernement a été autorisé par voie d’ordonnance à rapprocher le régime applicable au gage des stocks défini par le Code de commerce du régime de droit commun du gage de meubles corporels défini par le Code civil. C’est ainsi que l’ordonnance n°2016-56 du 29 janvier 2016 relative au gage des stocks prévoit de nouvelles relations avec le gage de droit commun (1) et refonde le régime du Code de commerce afin d’apporter de nouvelles réponses aux besoins des créanciers professionnels (2). 1/ L’apport le plus notable de l’ordonnance n°2016-56 du 29 janvier 2016 réside dans la possibilité offerte aux parties de choisir entre le gage de droit commun prévu par le Code civil ou le régime spécifique du gage des stocks prévu par le Code de commerce. 2/ Les principales modifications apportées au régime spécial du gage des stocks sont les suivantes :
- la définition du gage des stocks est renouvelée et réalise une synthèse entre la définition générale du gage figurant à l’article 2333 du Code civil et les conditions particulières au gage des stocks énoncées dans l’ancien article L.527-1 du Code de commerce: « le gage des stocks est une convention par laquelle une personne morale de droit privé ou une personne physique accorde à un établissement de crédit ou à une société de financement qui lui a consenti un crédit pour l’exercice de son activité professionnelle le droit de se faire payer sur ses stocks de préférence à ses autres créanciers » (article L.527-1 du Code de commerce).
- le gage des stocks peut désormais être constitué avec ou sans dépossession (article L.527-1 du Code de commerce).
- le formalisme du gage des stocks est doublement allégé. D’une part, les mentions que doit comporter, à peine de nullité, l’écrit dont le gage des stocks fait l’objet sont moins nombreuses qu’avant. Ne sont retenues que les mentions essentielles qui permettent de déterminer la créance garantie, l’objet du gage, la durée de l’engagement, et dans l’hypothèse d’un gage avec dépossession, l’identité du tiers constitué gardien des biens gagés (article L.527-2 du Code de commerce). D’autre part, l’inscription du gage sur un registre public tenu au greffe du tribunal dans le ressort duquel le débiteur a son siège ou son domicile n’est plus une condition de validité du gage, soumise à un délai 15 jours, mais désormais une condition d’opposabilité du gage aux tiers (article L.527-4 du Code de commerce).
- la prohibition du pacte commissoire est supprimée. Le nouvel article L.527-8 du Code de commerce renvoie notamment à l’article 2348 du Code civil qui permet aux parties de prévoir que le créancier deviendra propriétaire des stocks en cas de non-paiement de la dette exigible par le débiteur.
- l’obligation de conservation est redéfinie. L’obligation de conservation des stocks pesant sur le débiteur, dans l’hypothèse du gage sans dépossession, est rappelée mais une plus grande place est laissée à la liberté contractuelle avec la suppression de l’obligation d’assurance contre les risques d’incendie et de destruction. Par ailleurs, le mécanisme de la clause d’arrosage qui permet au créancier, en cas de diminution de la valeur des stocks, d’exiger le rétablissement de sa garantie ou le paiement de sa créance s’attache à offrir un meilleur équilibre entre la protection du stock et l’intérêt du créancier : au lieu du taux unique de 20% anciennement prévu et d’une mise en œuvre de la clause d’arrosage nécessitant le respect de deux étapes successives, le nouveau système comporte deux étapes indépendantes l’une de l’autre et déclenchées à des taux différents (10 et 20%), tout en permettant aux parties de prévoir par contrat des taux supérieurs (article L.527-6 du Code de commerce).
Pour autant, cette réforme parvient-elle à rendre le gage des stocks plus attractif ? Il est permis d’en douter. En effet, le rapprochement entre le régime spécial du Code de commerce et le régime général du Code civil contribue à se demander si le maintien d’un cadre spécifique est justifié. Et ce d’autant plus que la possibilité offerte aux parties de choisir l’un ou l’autre régime prive le régime spécial de portée réelle, mais aussi parce que le régime général offre sur plusieurs points des mécanismes plus favorables aux banques que le régime général[2]. Par ailleurs, rappelons que le nouveau régime spécial du gage des stocks, entré en vigueur le 1er avril 2016, ne s’applique qu’aux contrats conclus à partir de cette date. Il faut donc s’interroger sur le sort des gages conclus avant le 1er avril 2016 et soumis par les parties au régime du gage de droit commun du Code civil, en contradiction avec la position prise par la Cour de Cassation selon laquelle ces gages auraient dû obéir aux prescriptions du code de commerce. Les juges du fond maintiendront-ils leur position ou se rangeront-ils à l’interprétation de la Cour de Cassation ? D’autre part, et au-delà de la question de l’attractivité du nouveau régime spécial pour les banques, la réforme opérée, notamment en ce qu’elle permet le pacte commissoire, ne va pas dans le sens de la préservation de la poursuite de l’activité des entreprises en difficulté qui serait menacée par l’attribution des stocks gagés.
[1] La Cour d’appel de Paris (approuvée par la doctrine majoritaire) a reconnu aux banques par deux fois, en 2011 et 2014, la possibilité de choisir soit le régime spécial du gage des stocks soit le régime de droit commun : CA Paris, 3 mai 2011, n°10/13656 et CA Paris, 27 février 2014, n°13/03840, « aucune disposition n’interdisant aux parties de choisir le droit commun du gage, issu de la réforme de 2006, pour garantir un crédit consenti par un établissement financier à une personne dans le cadre de son activité professionnelle, les parties ont pu valablement choisir de se référer aux dispositions des articles 2333 et suivants du Code civil ». Mais, la Cour de cassation a jugé dès 2013 que les banques devaient s’en tenir au régime du Code de commerce pour prendre un gage sur des stocks. Cette position a par ailleurs été confirmée en assemblée plénière en 2015 : Cass. com., 19 février 2013, n°11-21.763 et Cass. ass. plén., 7 décembre 2015, n°14-18.435, « s’agissant d’un gage portant sur des éléments visés à l’article L.527-3 du Code de commerce et conclu dans le cadre d’une opération de crédit, les parties, dont l’une est un établissement de crédit, ne peuvent soumettre leur contrat au droit commun du gage de meubles sans dépossession ».
[2] Notamment les dispositions relatives à la clause d’arrosage.
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